Lecture critique de « Mille mystères » de Koffi N’guessan Roger

Publié le par KBENJAMIN

Lecture critique de « Mille mystères » de Koffi N’guessan Roger

Un double album du dessinateur ivoirien Koffi N'guessan Roger édité par L’Harmattan qui se présente sous les titres suivants : Séductions et Mille mystères.

Séductions est un album qui se déploit sur 52 pages en noir et blanc. Chaque planche se présente sous la forme deux ou trois bandes avec une moyenne de 3 à 4 images. Un mur de motifs de pagne s'étale de tout son long au troisième plan. Au deuxième plan, un groupe de personnages qui conversent : deux hommes et une jeune fille. Au premier plan, une autre jeune fille vu en plan rapproché, un doigt sur le menton, regardant le groupe de protagonistes au second plan avec dédain. Elle met en évidence une poitrine généreuse en harmonie avec le titre « Séductions » annonçant déjà les couleurs. Les personnages sont inscrits dans du gris coloré. Le nom de l’auteur se présente dans une couleur marron quand le titre « Séductions » est dans une réserve de blanc. La couleur dominante est l'orangé.

Mille mystères d’Afrique quant à lui relate 12 histoires courtes et complètes en 58 pages sur des thèmes courants tels que la cybercriminalité, la magie, le mysticisme et autres. La couverture se présente sur un fond orangé, avec le titre en réserve dans du blanc. L’image d’un masque bien mis en évidence au premier plan. Avec des cauris et ce qui semble être des œufs. Au deuxième plan, un ensemble de motifs de pagne s’étale horizontalement. Rappelant l’univers des poids à peser l’or. Le sigle de la collection Harmattan BD en haut à gauche. Le nom de l’auteur dans un marron moyen.

Les thèmes traités dans ce double album sont évocateurs et dignes d’intérêt. Beaucoup de jeunes par facilité se lancent dans les dédales de la cybercriminalité dans l’espoir d’avoir de l’argent frais ici et maintenant. Certains réussissent à gruger des pigeons de circonstance. Quand d’autres se font prendre dans les mailles du filet de la police.

Mais force est de constater que la manière d’amener ces histoires au lecteur pèche par la confusion. Les scénarii sont maintes fois décousus. Contribuant ainsi à l’incompréhension de certaines histoires. Cela a pour conséquence de laisser le lecteur sur sa faim. Raconter est un art qui comporte des registres qu’il faut maîtriser pour espérer captiver le lecteur.

De vrais scénarios doivent être bâtis pour les mettre au service de ce dessin qui n’est pas loin de ressembler à celui de Salia. Un dessinateur d’origine malienne qui a travaillé sur deux albums en noir et blanc édités par L’Harmattan avec Breal et Karul au scénario. Ils sont intitulés « Quand les flamboyants rougissent, les blancs dépérissent ».

Le style de dessin rappelle les gravures à l’eau forte du 15ème siècle. L’auteur manie la technique du dessin modelé au trait avec une certaine aisance, une certaine maîtrise. Il utilise ici des traits en petites touches ou pointillés pour donner du relief à son dessin. Les textes dans les bulles sont en adéquation avec le (style de) dessin. Ils sont lisibles. La richesse des motifs décoratifs donne un aspect positif à cet album et l’origine.

Beaucoup de maladresses cependant sont à déplorer, notamment dans la perspective. Un problème récurrent au fil des histoires. Les rapports de proportions des personnages et du décor pèchent par leur inexactitude. Une réussite cependant à souligner : les portraits des personnages, les expressions du visage des protagonistes, l’élaboration de certains décors. Un usage fréquent des gros plans pour traduire les émotions des personnages. Mais une BD n’est pas faite que de gros plans. Des plans intermédiaires tels que les plans d’ensemble, les plans moyens... contribueraient à enrichir davantage les planches par leurs diversités.

La réalisation de story-boards bien avant l’entame des planches définitives serait un atout nécessaire dans la remédiation des maladresses évoquées plus haut.

Séductions et Mille mystères d’Afrique est une bande dessinée qui a le mérite d’exister grâce à la collection Harmattan-BD dirigée par Christophe Cassiau-Haurie. Elle nous plonge au cœur des mystères de l’Afrique. Un double album que je vous recommande vivement.

BENJAMIN KOUADIO, professeur d’Arts Plastiques, auteur de BD, illustrateur, blogueur

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